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20 Avril 1996

Labyrinthes

Comme beaucoup, vous avez apprécié, lors de vos premières descentes, ce sentiment d'inconnu, cette peur de se perdre, cette sensation de découverte ressentie tout au long de la nuit. Plus tard, votre assurance grandissante, de telles impressions se sont dissipées en même temps que les galeries sont devenues plus familières. Si vous avez la nostalgie des soirées aux cheminements incertains, et de la découverte perpétuelle, visitez les labyrinthes du XIVème arondissement.

Bien qu'en général le réseau du XIVème soit relativement simple pour quelqu'un qui le fréquente un minimum, il recèle des zones qui, par leur complexité ou leur densité, sont de vrais labyrinthes. Les plus importantes sont : le Val de Grâce, le parc Montsouris, le cimetière Montparnasse, le boulevard Arago et la rue Sarette.

Le Val de Grâce

Situées sous l'hôpital militaire du Val de Grâce dans le Vème arrondissement, ces anciennes carrières à piliers tournés furent consolidées par Mansard au XVIIème siècle. Les consolidations ne laissèrent que peut de place au remblais, ce qui explique la grande quantité de galeries et de passages sur si peu de surface.

La plupart des gens qui fréquentent le Val de Grâce ne font que le traverser, via le Corridor pour atteindre la fameuse salle Z. Ceux qui s'écartent du Corridor ne le font pas forcément volontairement. Ils peuvent alors aller visiter le sud et découvrir le Château des Cloportes et l'Arche Perdue, ou aller se perdre dans les culs-de-sac du nord ou bien dans les Bermudes où ils pourrons apercevoir la plaque Rue A.Fontaine.

L'accès au Val de Grâce se fait obligatoirement soit par une chatière rue St-Jacques, soit par une chatière dans Z. Ceci délimite parfaitement ce labyrinthe qui donne une impression de réseau à part entière à l'intérieur même du grand réseau sud.

Le parc Montsouris

Les carrières sous-minant le parc Montsouris n'ont été que peut consolidées et pratiquement pas réorganisées. Elles ont gardé l'aspect originel des carrières de Montrouge qui s'étendaient bien au delà des limites actuelles du parc (imaginez que de la Plage à Zlard et même au delà s'étendait un labyrinthe de galeries semblables). Le travail de l'eau s'infiltrant plus facilement sous le parc a donné aux galeries un aspect presque naturel pouvant faire penser qu'elles existent depuis des millénaires.

Montsouris en a perdu plus d'un et certains hésitent encore à s'y aventurer. C'est un endroit ou les murs semblent se déplacer et ou tout repère est inutile. Montsouris recèle pourtant des squats d'un style inégalable : KCP, Les Soldats Prussiens, BDM, les bancs, et tous les autres bouts de galeries.

Montsouris s'ouvre à l'ouest sur la rue Nansouty et au nord sur l'avenue Reille. De l'autre côté de celle-ci s'étendent d'autres galeries sinueuses ce qui accroît la superficie du labyrinthe. Malheureusement, ce labyrinthe est en deuil du Chemin de l'Echelle, injecté il y a quelque jours en vue de constructions à la surface et qui permettait de rejoindre Zlard presque directement de Montsouris.

Le cimetière Montparnasse

Sous le cimetière Montparnasse se trouve un réseau à deux niveaux. Des ossements déposés dans certaines galeries ou salles aux XIXème siècle pour vider les derniers cimetières parisiens en a fait un lieu de pèlerinage pour cataphiles.

Le niveau supérieur du réseau est constitué de galeries la plupart du temps rectilignes. Certaines de ces galeries rejoignent Denfer, d'autres partent vers l'Ouest lointain et inexploré. On peut ainsi se retrouver bien loin de sa P.C. chérie sans s'en apercevoir.

Ce qui renforce le côté labyrinthique de ce quartier, c'est la présence du deuxième niveau. Celui-ci ne comporte que des galeries sinueuses, fort jolies d'ailleurs. Les deux niveaux communiquent par divers trous, puits à échelons (ou sans) et escaliers. C'est un des rares endroits où l'on peut gouter aux joies des labyrinthes tridimensionnels : faut-il aller tout-droit, à droite, à gauche, en haut ou en bas ?

Ce quartier reste en général très calme et les squats sont rares. L'idéal pour l'exploration asociale, le silence et la solitude (un petit peu glauque quand même).

Le boulevard Arago

Ce boulevard est constitué, pour ce qui est de sa partie souterraine, par deux galeries parallèles plus ou moins continues, entrecroisées de plein de transversales et autres galeries. Cette zone contient des millions de squats qui se déplacent au fur et à mesure des semaines. Les gens y errent plus qu'ils s'y promennent et finissent toujours par retomber en moins d'une heure sur le Cabinet.

La rue Sarette

Redoutée même par les plus grands cataphiles, la traversée de la rue Sarette restera toujours aussi incertaine que la traversée en bateau du triangle des Bermudes. Ces multiples galeries sinueuses et semblables se croisant et finissant en cul-de-sac en on fait tourner en rond plus d'un. Certains se voient contraints de renoncer devant une telle épreuve. Des troubles de la vision et de la perception temporelle y sont monaie courrante.

Quelque part, perdue dans ce flou de galeries se trouve Marie-Rose, havre de paix et de stabilité, lieux de toutes les fêtes. Méfiez-vous, peut-être trouverez vous Marie-Rose, mais serez-vous en repartir après quelques verres de jus d'orange pur et de nombreuses cigarettes roulées ?